Visite au Québec
Ce dernier mois d’août nous sommes partis visiter le Québec. Après quelques jours, nous voici dans la région des Laurentides et nous arrivons au Mont Tremblant. C’est le nom de la montagne dominante, du lac à ses pieds et par extension celui de la Ville de 9500 habitants. Cette ville propose une grande diversité d’activités, été comme hiver, et est toujours animée. Il y a le cœur du village près du lac et une sorte de village façon Disneyland au pied des pistes. Du côté du lac nous avions réservé une chambre d’hôte dans un chalet de rondins très canadien. L’intérêt des chambres d’hôtes, c’est l’hôte qui vous reçoit, toujours accueillant, aimant partager, donc nous discutons, nous jasons :
— « Ah vous êtes dans le chocolat ! Vous savez nous avons ici au Mont Tremblant une « chocolatière »
— « ah oui. ! ?. Mon intérêt est distant, on m’en dit tant autour du chocolat
— « demain c’est marché au village, normalement elle y sera… »
Et le lendemain effectivement j’aperçois son stand. Je découvre ses « Palette de Bine », nom étrange pour le vocabulaire d’une Française mais très juste en québécois : une palette c’est une tablette et bine c’est la fève la fève de cacao comme la fève des haricots au lard donc Palette de Bine prend tout son sens, les Anglais le disent « Bean to Bar ». Je m’approche des curieux qui l’entourent, car Christine Blais est bien là en personne qui explique son chocolat, comment elle le fait, parle des fèves, des origines rien de superfétatoire ni de prétentieux dans ses explications, cela sonne simple et juste. Je fais un pas de plus, alors une assiette pleine de petits morceaux de tablette se présente à moi :
— « voulez vous y goûter ? » me demande son amie qui l’assiste.
Je ne demande que ça. Je m’attends sinon au pire, car la personne m’inspire confiance, à du banal ou du moins du classique. Le petit morceau est en bouche et là… Révélation… C’est bon… C’est très bon… C’est excellent… Je suis surprise… et curieuse. Cette fois je suis collée au stand et je m’adresse à Christine qui, enfin, est disponible. Je lui pose quelques questions auxquelles elle répond avec gentillesse et savoir. Cette femme connaît vraiment la fève de cacao et l’élaboration du chocolat. Elle sent que moi aussi je connais bien le sujet, notre échange devient de plus en plus pointu et sympathique. Je déguste d’autres origines chacune a sa personnalité certaines me plaisent plus que d’autres mais toutes sont réussies.
Je vois sur son stand un Award d’Or obtenu à New York. Elle a démarré en 2013 et déjà en juin 2016 elle remporte une médaille d’Or pour sa tablette 70 % fèves d’Haïti dans la catégorie « petite production » et une médaille de bronze pour la tablette 70 % issue de fèves qui poussent à l’état sauvage en Bolivie, au sucre d’érable. Elle a aussi gagné la médaille d’Or de l’Academy of Chocolate en Grande-Bretagne pour la tablette Tanzanie 72 % et la médaille de Bronze pour le Bolivie 70 %. Notre conversation se poursuit et bien qu’elle ait été distinguée par des jurys d’experts on la sent en quête d’encouragements et mes appréciations positives et même enthousiastes lui donnent le sourire. Quand enfin je finis par lui dire que je travaille depuis longtemps chez Valrhona, elle est aux anges enfin au Québec on dit « elle est aux oiseaux » : Quelqu’un de Valrhona apprécie ce qu’elle fait ! Elle est touchante tant elle est rose de plaisir. Elle me propose alors de visiter son atelier le lendemain matin qui est un dimanche juste avant notre départ de Mont Tremblant. Je suis bien curieuse de voir où se fabrique ce chocolat.
Rendez-vous est pris. Pas de boutique, pas de vitrine mais l’arrière d’un petit bâtiment, une amie lui laisse à disposition l’arrière de son local d’architecte décoratrice Elle nous y attend. Nouvel étonnement : C’est tout petit ! Elle travaille avec des petites machines et beaucoup de système D. Elle torréfie les fèves grâce à une rôtissoire à poulet qu’elle a adaptée, elle vanne, elle broie, elle conche, elle laisse vieillir retravaille le chocolat le tempère et moule ses palettes dans un moule de son imagination… il imite le bois. Quelle passion ! De l’achat des fèves sélectionnées et par petite quantité à l’emballage des palettes, chaque étape est une aventure, une expérience qu’elle sait utiliser au mieux. La fabrication du Cacao à partir des meilleures fèves, du sucre de canne bio, pas d’ajout de beurre de cacao, pas de lécithine de soja… Mais un amour de la fabrication, une intuition exceptionnelle, Christine fait vieillir ses chocolats par origine, avec la pratique elle apprend le temps de garde de chacune afin d’optimiser les arômes, le goût de chacune.
Nous dégustons ensemble, nous échangeons sur les goûts des différentes palettes, mais aussi sur la présentation, l’emballage, son atelier, son avenir… Elle a tout donné à sa passion son temps, ses finances, pour l’instant elle couvre ses frais mais ne gagne pas sa vie, heureusement sa famille la soutient et l’encourage. Elle doit envisager un nouveau chapitre de son aventure : s’agrandir, s’équiper de machines plus adaptées (celle qu’il lui faudrait en premier coûte 30 000 $), employer une aide, ouvrir une mini boutique – salon où elle pourrait faire des séances de dégustation, servir du chocolat chaud de sa composition. Tout ça sans perdre le côté artisanal passionnant et passionné de son travail. 2 heures que nous sommes là et… mon mari me tire le coude. Il faut partir : des kilomètres nous attendent pour relier notre prochaine étape. Les « au – revoir » sont joyeux, on « se donne un bec » mais c’est à regret que nous nous séparons, car nous revoir est incertain. Encore quelques mots et j’apprends que je pourrai trouver ses palettes chez Kosak à Paris, que oui elle pourrait m’en envoyer en France mais le coût du transport est prohibitif, et que juste avant de partir de Montréal je peux en acheter au marché Jean Talon à la Fromagerie Hamel, 220 Jean Talon Est. C’est une fromagerie épicerie fine coté salé, coté sucré, à ne pas manquer si vous passez par Montréal vous y trouverez toutes les bonnes spécialités et y serez très bien accueillis.
Mais surtout, amateur de chocolat, si vous allez au Québec, passez par le Mont Tremblant et rencontrez Christine Blais, la Chocolatière, ce sera sans aucun doute l’un de vos meilleurs souvenirs.
Le club a eu le plaisir de déguster ces tablettes quelques mois plus tard.